Le pays prépare une prochaine élection. Le nationalisme est encore très fort bien sur, à l'image de ces affiches où le slogan est « 100% Bosniaque ». C'est donc l'élection de celui qui sera encore plus bosniaque que les autres? En voila un bon programme! Ca fait froid dans le dos.
A la terrasse d'un café, alors que je sirote mon jus de citron en réalisant que, dans les rues, il y a 90% de filles, un mastodonte avec un badge de sécurité interrompt mes rêveries pour me demander de déplacer la moto. Le trottoir est super large, mais la moto est trop proche du bâtiment, et il faut la mettre plus loin que ça. Je ne comprendrai pas la raison de la nécessite de bouger la moto... ils craignent les moto piégées ou quoi?
Petit déjeuner a la "Pension Rose", que je vais aller partager avec une petite vieille, elle aussi levée de bonheur. Elle m'explique avec toute la sérénité dont les anciens savent faire preuve, qu'elle est anglaise, et qu'elle est venue a Mostar pour voir la ville ou est mort son petit fils... J'ai connu des journées qui commençaient plus joyeusement.
Je réalise que même si je suis bien parti pour me confronter a des pays fraîchement sortis de la guerre, avec mon insouciance et ma vie bien tranquille et sécurisée, je n'étais pas trop préparé à cela. D'un autre cote, c'est peut être mieux de ne jamais être habitué à la guerre, et de ne jamais s'y faire...
Zou, je file au nord, à la rencontre de Victor, un canadien qui se proposait de m'héberger via http://www.couchsurfing.com/ . Il me confirme que dans pas mal de ville, comme Baja Luka ou je suis a présent, il y a 6 femmes pour 1 homme. D'ailleurs je passerai un grand bout de la nuit à discuter avec la sympathique Sanja de la vie et vision des Bosniaque. "Moi, je ne suis pas raciste, mais quand même, j'aime pas les musulmans" qu'elle me dit. Le premier qui a sorti cette phrase aurait du la protéger par un brevet ou un copyright. Il serait riche à présent. D'une manière générale, lorsque je dis aux gens du pays ou je vais dans mon voyage, ils ne comprennent pas que je puisse aller voir les pays voisins du leur, tellement les gens la bas sont sans intérêt, méchants, incultes et leur pays est moche. Bien sur, ceux qui me disent cela ne sont jamais allé voir de l'autre coté. Mais tout le monde a une personne proche que la guerre leur a enlevée, et sortent a peine d'années d'un système profondément nationaliste. Comment pourrait il en être autrement? Je lui avoue que je ne comprends pas vraiment tout a cette guerre, que pas mal de choses m'échappent, et elle me réponds que pour eux aussi c'est trop complique pour avoir une vision simple des événements. Globalement ce qui en ressort, au moins pour la Bosnie et la Serbie, c'est que c'est une guerre que personne n'a gagnée. Que des perdants. Ca vous change de cette niaiserie d'Ecole des Fans.
Sur le chemin du retour, je m'arrête à Sarajevo, la capitale Bosniaque. On voit que c'est la capitale, parce qu'il y a eu de l'argent pour conserver ou reconstruire après la guerre. La vieille ville est superbe, bien que pas mal touristique. Agréable aussi de voir plein de cultures différentes se mélanger. C'est une ville qui symbolise bien la tolérance et le mélange culturel. C'est aussi une ville majoritairement musulmane, mais moderne, ou les musulmanes pratiquantes portent aussi bien le voile que la minijupe. Voila une vision enfin encourageante sur la condition humaine. Ici aussi, la police roule en Guzzi, mais des modèles bien plus modernes que ceux d'Albanie...
Le retour se fera vers la Serbie qu'il faut a nouveau traverser. Je me trompe de route et me retrouve sur un tout petit tracé mais il va dans la bonne direction, alors je poursuis. Par excès d'amabilité, sans doute, je suis invité à m'arrêter dans un petit village par des hommes en bleu équipés d'un beau cinémomètre. Cette fois y'a un bon 75km/h d'indiqué mais ils parlent anglais, je ne vais pas m'en tirer comme ça. Je leur explique que je suis en train de quitter le pays et que du coup je n'ai plus du tout de monnaie locale, et je le prouve avec un porte monnaie qui ne contient qu'un petit billet de 5 euros que je leur offre gracieusement pour aller s'offrir un café... pendant que je reprends ma route.
Cette route devait bien avoir 30 tunnels à traverser. La route est sans bitume, donc avec des trous, des flaques des graviers et de la gadoue. Les tunnels sont étroits, et deux voitures ne peuvent pas se croiser, et ils ne sont pas éclairés.
L'occasion de vérifier que le DR éclaire vraiment mal : le phare reçoit les projections de la roue avant et il est règle bien trop haut lorsque je suis chargé. Je ne vois RIEN, et sûrement pas la sortie des tunnels. Je vois la même chose que sur cette photo là :
Et puis entre deux tunnels, un poste frontière improvisé m'indique que je rentre en Serbie...
C'est le chemin du retour. Plus que 500km, et je serai a la maison en Roumanie.